Bruxelles aurait tort de se réjouir. La probable victoire d’Emmanuel Macron ne marquera pas la victoire du camp européen. Les eurosceptiques sortent renforcés du premier tour.
En visite à Bruxelles le 29 avril 2017 pour participer à un sommet extraordinaire du Conseil européen consacré au Brexit, François Hollande a appelé à voter Emmanuel Macron en faisant du second tour un choix pour ou contre l’Europe. Cette prise de position apparaît comme un jeu dangereux étant donné que l’ancien ministre de l’Économie s’est qualifié avec une majorité relativement faible et que les candidats eurosceptiques, voire europhobes, ont enregistré la plus forte progression lors du premier tour. Face à ce constat, une victoire d’Emmanuel Macron au second tour marquerait-t-elle tout de même un vote d’adhésion à l’Europe ?
Le réveil des souverainistes
Depuis que le peuple français a adopté le Traité de Maastricht à une faible majorité de 51,04% en 1992, le projet européen a toujours rencontré des réticences marquées dans le débat public en France. Ce malaise s’est cristallisé lors du référendum de 2005 sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe, balayé par le peuple à 54,68%, et consécutivement aux promesses électorales non tenues de Nicolas Sarkozy et François Hollande sur la réforme de la gouvernance européenne. A cela s’est ajoutée la perte d’influence de Paris au profit de Berlin dans une Europe élargie, mettant fin à une « certaine idée de la France », chère au Général de Gaulle. Aujourd’hui encore, une partie importante des milieux intellectuels et de l’opinion publique ne se retrouve pas dans une Europe dénoncée comme ultra-libérale et peu démocratique.
Le premier tour de l’élection présidentielle de 2017 marque une rupture politique sur la question européenne avec plusieurs candidats eurosceptiques, à gauche comme à droite, dans le peloton de tête. A gauche de l’échiquier politique, Jean-Luc Mélenchon, porte-drapeau de la France Insoumise, adopte une posture « alter-européiste » en exigeant une réforme des traités européens aussi radicale qu’improbable. La perspective d’une sortie de la France de l’UE ne représente plus un tabou pour une composante importante de l’électorat de gauche. A droite, le souverainisme devient un trait d’union entre sa composante la plus extrême incarnée par Marine Le Pen et des personnalités qui se réclament du gaullisme social et qui avaient jusqu’à présent refusé de franchir le cordon sanitaire, à l’image de Nicolas Dupont-Aignan, fondateur de Debout la France. La posture souverainiste s’est retrouvée jusque dans les rangs de l’électorat de la droite républicaine et de la gauche frondeuse du Parti socialiste. L’ensemble de ces formations partent du constat que la réalisation de leur projet politique est entravée par les traités européens.
Le vote Macron ou le miroir aux alouettes
Face à ce camp, Emmanuel Macron, fondateur du mouvement En Marche !, défend avec ferveur que l’Europe est la solution pour retrouver le chemin de la prospérité. Les drapeaux européens qui fleurissent par milliers dans ses meetings laissent présager la mise en œuvre d’une politique résolument favorable à une poursuite volontariste de l’intégration européenne.
En toute vraisemblance, le candidat Macron est en bonne position pour gagner l’élection présidentielle. Cette probable victoire ne pourra cependant pas être interprétée comme un chèque en blanc pour approfondir le projet européen en s’inscrivant dans la continuité de ses prédécesseurs, de Jacques Chirac à Francois Hollande. Lors du premier tour, près d’un électeur sur deux s’est rangé derrière un candidat défendant des thèses hostiles à l’Europe.
L’opinion publique internationale aurait donc tort de voir une victoire de Macron au second tour, aussi large soit-elle, comme un vote plébiscitant son programme sur la question européenne. Pour nombre d’électeurs français, le vote par défaut pour le candidat d’En Marche ! s’explique en partie par la menace que font peser sur l’idéal républicain les politiques de citoyenneté de Marine Le Pen. S’il n’intègre pas les réserves et les préoccupations exprimées par ces électeurs dans un projet européen réaliste et réalisable, l’opposition eurosceptique plurielle qui s’est dessinée lors du premier tour ne tardera pas à se rassembler dans un combat sans appel à l’Assemblée nationale, dans les rues et dans les urnes.