De Christelle Genoud – Présence militaire exacerbée, violences, entraves à la liberté de mouvement, expropriation et destruction de logements palestiniens, déplacement de population et problématique des réfugiés, harcèlement des colons et arrestations de mineurs, constituent le quotidien des Hébronites. Que nous apprend Hebron sur la dynamique du conflit israélo-palestinien ?
Les accords d’Oslo de 1993 ont instauré un système de partage de la Cisjordanie en trois zones. Les zones A sont sous autorité palestinienne, les B sous contrôle militaire israélien et administratif palestinien, les zones C sous autorité israélienne. Hebron, divisé en une zone A et en une zone C, est un concentré des tensions et des problèmes que rencontrent les Palestiniens face à la colonisation de la Cisjordanie.
L’opération « Pilier de défense »
Mercredi 14 novembre, début de l’opération militaire israélienne « Pilier de défense ». Ahmed Jabaari, le chef des brigades Izz al-Din al-Qassam (la branche armée du Hamas) est assassiné par une frappe aérienne à Gaza. Il était l’un des plus influents officiels du Hamas, impliqué dans les négociations d’un accord de cessez-le-feu de longue durée avec Israël. Selon le quotidien israélien Haaretz, quelques heures avant son assassinat, Jabaari aurait reçu une ébauche à cet effet, auquel il allait répondre par l’affirmative. Cet ancien du Fatah est découvert par le grand public le 18 octobre 2011, lorsque le Hamas relâche le soldat israélien Gilat Shalit contre 1000 prisonniers palestiniens. La tête montante du mouvement islamiste soutient le jeune prisonnier par le bras pour le restituer à son pays, et est immortalisé dans cette posture par la presse internationale.
Les manifestations hébronites en soutien à Gaza
Les Jabaari, avec leurs 15’000 membres, incarnent une des familles les plus influentes d’Hebron. C’est pourquoi, lorsque ses habitants apprennent la mort d’Ahmed, ils savent que des manifestations auront lieu dans leur ville. Surtout qu’avec Jerusalem-Est, elle est la seule ville de Cisjordanie où les colons israéliens se sont implantés à l’intérieur même des murs de la vieille ville, son cœur. Et pas n’importe quels colons. 500 colons religieux et idéologiques des plus extrémistes qui revendiquent Hebron à cause de son importance pour le judaïsme. 1500 soldats sont détachés dans tout H2 afin de les protéger. Et ce malgré le fait que la résolution 181 du Conseil de Sécurité de l’ONU attribue Al Khalil (Hebron en arabe) à la Cisjordanie. Et ce malgré le fait que selon le Droit International Humanitaire, une puissance occupante n’a en aucun cas le droit de transférer ou déporter sa population civile sur les territoires occupés (art. 49 des Conventions de Genève IV). Le quotidien des Hébronites est entravé par les check points, les barrages, les obstacles physiques et administratifs à la liberté de mouvement. Israël s’est arrogé de la sorte 60% du territoire palestinien. L’administration israélienne de H2 est le fruit de sa politique de grignotage progressif des terres arabes. Ici, choisir de quel côté de la rue marcher est déjà une prise de position.
Et elle parle la rue, suite à l’assassinat d’Ahmed Jabaari. Des manifestations violentes en soutien à Gaza s’étendent sur plusieurs jours, jusqu’au cessez-le-feu du 21 novembre. Elles expriment le soutien des Palestiniens de Cisjordanie à ceux de Gaza. Selon le Ministre des Affaires Etrangères israélien Lieberman, Gaza a été décolonisé en 2005. Ce que contredit le Droit International Humanitaire, car si Israël s’est retiré de la bande de Gaza, elle en garde le contrôle aérien ainsi que celui des frontières. Et surtout, les colonies continuent à s’implanter en Cisjordanie. Kiryat Arba, en banlieue hebronite, fut la toute première, en 1969.
Christelle Genoud est Observatrice des Droits de l’Homme à Hebron dans le cadre du programme des organisations Peace Watch Switzerland, EPER et EAPPI. Après avoir obtenu un Master en Etudes Asiatiques, elle a effectué un stage à l’OCHA ainsi qu’un stage à l’Ambassade de Suisse à Washington D.C.
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