foraus a rencontré Mercedes Bresso, une eurodéputée optimiste mais ferme sur les principes. Part 1 : relations Suisse-UE.
Lisez ici la deuxième partie de l’interview au sujet de la libre circulation.
De visite en Suisse à l’occasion d’entretiens politiques (rencontres entre parlementaires suisses et européens), l’eurodéputée italienne Mercedes Bresso (alliance progressiste des socialistes et démocrates) a accepté de faire le point sur l’état des relations bilatérales. Cette très bonne observatrice de la Suisse a également souhaité évoquer des pistes pour sortir de l’impasse politique actuelle entre Berne et Bruxelles. Sur le fond, ses idées sont claires et rejoignent les positions de principe récemment développées par les institutions de l’UE. Sur la forme, la Piémontaise a gardé un certain optimisme, tant elle estime que l’UE et la Suisse sont faites pour s’entendre au regard de leur grande interdépendance.
Cenni Najy: De manière générale, la Suisse est-elle importante pour l’UE et si oui, pourquoi ?
Mercedes Bresso : Cette relation n’est pas simplement importante pour l’UE. Elle l’est pour tout le continent et, je le pense sincèrement, aussi pour la Suisse et ce d’un point de vue économique et politique. 73 pour cent du commerce extérieur suisse est effectué avec l’Union européenne et 79 pour cent de l’activité bancaire est liée à l’Union européenne. Malgré les quelques ratés de l’intégration de la Suisse dans l’architecture conventionnelle de l’Union européenne, la Confédération est aujourd’hui un partenaire intégré qui bénéficie des avantages offerts par l’Union européenne.
En général, comment les eurodéputés perçoivent-ils la Suisse ? Existe-il des amis de la Suisse au Parlement et si oui, serait-il judicieux de développer un groupe d’amitié Suisse-UE en son sein ?
Il y a de nombreux amis de la Suisse et, je pense, énormément de parlementaires qui ont des relations directes avec la Confédération tout comme moi par exemple qui suis mariée à un ressortissant suisse. La perception est globalement bonne. Il y a parfois de l’incompréhension qui repose sur les différences de cultures politiques et institutionnelles. C’est bien sûr le cas de l’exercice de la démocratie directe qui est parfois très étrangère à nombre de mes collègues députés. Beaucoup s’interrogent également sur l’avenir de nos relations et sur la possibilité d’une Suisse, hameau alpin, résistant encore et toujours à l’Union européenne. Sa vocation est-elle d’intégrer à terme l’Union européenne ? Je le crois, mais à long terme uniquement.
Cela me permet de répondre à votre question relative à la possibilité d’instituer d’un groupe d’amitié. Au Parlement européen, les groupes d’amitiés ne sont pas des structures reconnues et officielles comme cela peut être le cas au parlement italien ou à l’Assemblée nationale française. Elles existent mais sont principalement créées avec des États qui n’ont pas vocation directe à rentrer dans l’Union. C’est le cas de Taiwan ou du Maroc par exemple.
Comment était l’atmosphère de la rencontre entre les parlementaires suisses et européens ? Est-ce que des idées originales ou constructives ont été développées par les participants ?
Comme toujours, l’atmosphère était excellente. Nous avons pu échanger et faire le suivi de nos discussions sur les perspectives de nos relations après le referendum du 9 février 2014, mais aussi sur nombre de question d’intérêt commun.
Pensez-vous que les relations entre la Suisse et l’UE se développent dans la bonne direction ?
Oui, même s’il est certain que la votation lancée par le parti d’extrême-droite UDC sur l’immigration dite « de masse » a fait beaucoup de mal à nos relations. Nous avons su néanmoins prendre acte et aller de l’avant en évitant une escalade qui n’aurait été avantageuse pour personne.
Le bilatéralisme tel qu’il existe aujourd’hui entre la Suisse et l’UE possède-t-il un avenir ?
Je pense qu’il a un avenir certain à moyen-terme mais pas à long-terme. À moyen-terme, il nous permet de trouver des solutions ad-hoc pour l’intégration de la Confédération dans la structure politique et économique de l’Union. À long-terme, il créera certainement des frictions du coté européen. Plus l’intégration européenne avance, et ce malgré les difficultés nombreuses que nous devons affronter, plus un esprit commun se développe en Europe. Continuer à vouloir une Europe « à la carte » du côté helvétique créera, je le crois, une lassitude des Européens qui pourraient ne plus être indéfiniment en faveur de ce type d’intégration. Par ailleurs, je reste convaincue que le bilatéralisme et la négociation d’accords séparés pose un problème démocratique du côté suisse.
Un accord institutionnel cadre permettrait de donner à nos citoyens une idée claire de l’ensemble des questions que nous avons en commun et de la manière dans laquelle elles vont se développer sur le long-terme. Il permettra d’intégrer et de développer les accords sectoriels actuels. Bien évidemment, il est nécessaire qu’il soit soutenu par une volonté populaire suisse nettement exprimée.