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Vingt ans après son adhésion à l’ONU, la Suisse siègera au Conseil de Sécurité des Nations unies de 2023 à 2024. Alors que, autour du monde, la démocratie est fragilisée et les droits humains sont attaqués, c’est une occasion unique pour notre pays de réaffirmer ses valeurs et d’avoir un impact positif sur la gouvernance mondiale.
de Maria Isabelle Wieser
De 2023 à 2024, la Suisse siègera en tant que membre non permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU). Malgré sa taille, la Suisse se trouve dans une situation unique pour avoir un impact positif sur la gouvernance mondiale. D’autres auparavant l’ont démontré : il n’est pas impossible en tant que petit pays de contribuer à un progrès envers la paix malgré le droit de veto, jalousement gardé, des grandes puissances. Mais de quelle manière peut contribuer la Suisse ? Le Conseil fédéral a adopté quatre priorités thématiques pour le siège de la Suisse au Conseil de sécurité : la construction de la paix, la protection de la population civile dans les conflits armés, la sécurité climatique et le renforcement de l’efficience du Conseil de sécurité.
Cela peut sembler contradictoire, mais la Suisse pourrait avoir un véritable impact justement là où les tensions entre les membres du P5 (membres permanents du CSNU : États-Unis, Royaume-Uni, France, Russie, Chine) limitent la capacité d’action du Conseil. Par exemple, une initiative commune de la part de l’Australie, du Luxembourg et de la Jordanie avait permis d’apporter de l’aide humanitaire à des millions de personnes touchées par la guerre en Syrie. Un dossier bloqué par des désaccords entre les P5 avait finalement abouti à une déclaration présidentielle, après que les pays mentionnés soient parvenus à faciliter des compromis entre les grandes puissances.
Selon une étude du Center for Security Studies, afin d’avoir un impact en tant que petit pays et membre non permanent du CSNU, les conditions suivantes doivent être remplies :
- Un travail important de préparation est nécessaire. D’après le Département Fédéral des Affaires Étrangères, celui-ci a été fait par la Suisse.
- Priorisation selon son propre profil. La Suisse est connue pour son travail dans le domaine de la construction de la paix à travers ses bons offices et son travail de diplomatie. Grâce au travail du CICR, elle a un profil crédible dans le domaine de la protection de la population civile. Sur les deux premières priorités, la Suisse serait donc bien placée pour intervenir. Cela dit, la Suisse n’a elle-même pas réussi à atteindre ses buts climatiques. Et la réforme du fonctionnement du Conseil de sécurité semble très improbable, étant donné que les membres permanents devraient en toute probabilité renoncer à leur droit de véto. Il semble donc peu probable que la Suisse puisse avancer avec les deux dernières priorités.
- La collaboration avec les autres membres. Grâce à sa neutralité, aucune contrainte politique n’empêche la Suisse de collaborer, quels que soient les autres membres. Il est cependant probable que la Suisse choisisse de collaborer avec des pays qui partagent certaines valeurs comme la défense des droits humains ou la démocratie.
- La continuité. Construire sur ce que d’autres membres ont déjà accompli pourrait augmenter la chance de la Suisse d’avoir un impact.
- Bâtir des ponts. Comme nous l’avons déjà vu, des petits pays peuvent avoir un impact important en facilitant des collaborations entre les grandes puissances. C’est dans ce domaine que la Suisse peut s’appuyer sur des années d’expérience et a de très bonnes chances de pouvoir contribuer à un avancement dans le domaine de la paix.
Alors que la Suisse rejoint le CSNU dans un contexte géopolitique particulièrement fragile, il convient de garder en tête que faire un bon travail en ce qui concerne le « daily business » demandera déjà un grand engagement de la part des autorités. Attendre de grands changements fondamentaux visant une paix globale ne serait ainsi pas réaliste. Mais c’est une chance unique pour la Suisse d’affirmer ses valeurs de promotion des instances multilatérales, du droit humanitaire et des droits humains.