Sans l’engagement des entrepreneurs, stabiliser la voie bilatérale risque d’être une gageure.
C’est le constat qui émerge à l’annonce de l’initiative populaire de « Boussole Europe ». Lancée cette semaine, l’initiative se distingue notamment par les personnalités qui la portent, des chefs d’entreprise en grande majorité.
S’imposer sur l’Europe, c’est s’imposer dans le débat économique
« Boussole Europe » ne doit pas être sous-estimée. En 2021, son irruption dans le débat avait planté un des derniers clous dans le cercueil de l’accord-cadre. Son succès avait résidé non seulement dans son occupation du terrain médiatique, mais aussi dans son pouvoir de suggestion d’un rejet du projet par les entrepreneurs – ou, du moins, d’un manque de consensus parmi eux.
Les implications d’un tel message sont majeures. En Suisse, les relations avec l’UE ne reposent traditionnellement ni sur une adhésion politique à la construction européenne, ni sur des fondations identitaires. Elles découlent d’une logique économique et utilitaire : accès au marché, économies d’échelle, allègements administratifs. La position des entrepreneurs est donc cruciale ; un manque de soutien ou d’unité dans l’économie, et c’est toute la pertinence du projet qui chancelle dans l’opinion publique.
Victoire à celui qui crie le plus fort
L’histoire ne se répète jamais, mais les erreurs le peuvent. Une cause de l’échec de l’accord-cadre a été l’occupation anticipée du terrain médiatique par ses opposants.
Aujourd’hui, ce sont à nouveau les opposants aux Bilatérales III qui mènent la danse. À l’offensive de Boussole Europe s’ajoutent les saillies d’autonomiesuisse et de Pro Suisse, sans compter celles de l’UDC, déjà en campagne avec ses deux initiatives anti-libre circulation des travailleurs et anti-Schengen.
En face, les partisans ont du mal à suivre le rythme. Les autres partis gouvernementaux, profondément divisés, sont peu audibles. L’initiative Europe des Vert-e-s, Opération Libero et consorts n’a pas eu les effets escomptés. Et malgré l’engagement de longue date des faîtières économiques et chambres de commerce, elles peinent à se faire entendre.
Mouiller sa chemise ou plier bagage
Car le succès de Boussole Europe ou autonomiesuisse réside dans l’incarnation de leur message. C’est près de 40 entrepreneurs en chair et en os qui s’engagent sur la base de leurs réalités quotidiennes – un message bien plus tangible qu’un communiqué de faîtière. Parmi les partisans, il y a bien quelques prises de parole, à l’exemple du chef d’entreprise et député Simon Michel, mais elles sont encore trop rares pour renverser la vapeur.
Si, comme les sondages le suggèrent, une majorité de chefs d’entreprise souhaitent stabiliser la voie bilatérale, le moment est venu pour eux de monter au créneau. Attendre des entrepreneurs qu’ils s’engagent dans le débat, alors que leur rôle est de faire tourner notre économie, peut sembler injuste, mais c’est à cette condition que l’attractivité de notre place économique pourra être préservée. Attendre, c’est prendre le risque de laisser l’adversaire imposer son discours et de répéter les erreurs du passé.
Cet article a été initialement publié sur l’Agefi.