Programmes de l’UE : le principal avantage de l’accord n’est pas celui qu’on croit

Le nouvel accord sur les programmes de l’UE offre à la Suisse bien plus qu’un retour temporaire à la recherche européenne. L’existence de deux limitations ne doit pas occulter les bénéfices de cet accord pour la Suisse.

Europe

Et de un ! L’accord sur les programmes de l’UE (EUPA pour European Union Programmes Agreement) est devenu le premier élément du nouveau paquet d’accords Suisse-UE présenté au public. Cet accord établit les bases légales permettant à la Suisse de participer aux programmes européens. Son lancement anticipé par rapport au reste du paquet, attendu dans quelques semaines, vise une réadhésion rapide de la Suisse au programme de recherche Horizon Europe, à titre provisoire jusqu’au vote populaire en 2028 sur l’ensemble du paquet.

Il n’est donc pas surprenant que cette réintégration rapide dans Horizon Europe apparaisse comme un des atouts clés de ce nouvel accord. Pourtant, le principal bénéfice de l’EUPA n’est pas celui qu’on croit.

Davantage de sécurité juridique pour la Suisse

Une des grandes forces de l’EUPA provient de la nouvelle sécurité juridique qu’il offre à terme à la Suisse pour sa participation aux programmes.

Aujourd’hui, la Suisse ne dispose juridiquement d’aucun droit de participation aux programmes européens. Son accès dépend du bon vouloir de l’UE. Cette situation diffère considérablement de celle de la Norvège et des autres membres de l’Espace économique européen (EEE), qui disposent d’une garantie d’accès sur pied d’égalité avec les Etats membres. 

Cette différence a des effets très concrets. Le monde scientifique suisse en a fait l’amère expérience, lui qui a été exclu en tout ou en partie de Horizon Europe de 2014 à 2017 puis de 2021 à 2024.

Dans ce contexte, l’EUPA apporte une contribution positive à la stabilité de la place scientifique suisse. Sans offrir la même garantie d’accès que l’EEE, il propose une claire amélioration par rapport au statu quo, en posant notamment le principe d’une “continuité sans accroc de la coopération” (Art. 3, al. 2). 

Pas de tribunal arbitral ni de clause guillotine

Pour son fonctionnement, l’EUPA recourt à la méthode classique du comité mixte, organe politique réunissant les deux parties et décidant par consensus. Fait important, le mécanisme de règlement des différends établi par le nouveau paquet ne couvre pas l’EUPA. Tout désaccord sera donc réglé au niveau politique, sans recours possible au tribunal arbitral (et par extension à la Cour de justice de l’UE). 

Chose promise chose due, l’EUPA n’ajoute pas de nouvelle clause guillotine aux Bilatérales (voir cette analyse du foraus des onze guillotines existantes). Sa dénonciation n’affecterait pas les autres accords du paquet, et inversement.

Une conditionnalité avec la libre circulation des personnes

L’EUPA conditionne toutefois la participation suisse aux programmes au respect de la libre circulation des personnes et de la non-discrimination des citoyens UE, dans la mesure où ces principes sont nécessaires pour la mise en oeuvre des programmes (Art. 5). Dans le cas contraire, une violation de ces principes ayant un “impact significatif” sur le bon fonctionnement d’un programme pourrait mener à sa suspension (Art. 19).

Cette conditionnalité peut se justifier par la nécessité d’une libre circulation des scientifiques ou des étudiant·e·s pour le fonctionnement de Horizon Europe ou d’Erasmus+. Cependant, son inclusion dans l’EUPA interpelle, étant donné son absence d’autres accords d’association d’Etats tiers, comme l’accord Canada-UE pour Horizon Europe.

Par ailleurs, une des améliorations promises par le nouveau paquet est d’empêcher des représailles de l’UE sur la participation suisse aux programmes en cas de bisbille sur l’application d’un accord d’accès au marché – notamment l’accord sur la libre circulation des personnes. L’ajout d’une conditionnalité dans l’EUPA limite donc cet avantage.

Certes, le périmètre de cette conditionnalité est strictement circonscrit aux cas où le fonctionnement des programmes serait manifestement perturbé. A première vue, un conflit comme celui sur la “directive citoyenneté” n’en fait pas partie. Mais l’absence de compétence du tribunal arbitral sur l’EUPA signifie que l’UE est seule juge de ce qui constitue un “impact significatif”. 

La portée de ce dispositif doit néanmoins être relativisée. Après tout, l’UE comme la Suisse peuvent en tout temps résilier l’EUPA moyennant un préavis de six mois (Art. 20). La suspension conditionnelle apparaît dès lors comme un outil intermédiaire également dans l’intérêt de la Suisse.

Bilan : une amélioration nette de la sécurité juridique

L’EUPA renforce la sécurité juridique de la Suisse dans son accès aux programmes de l’UE. Deux limites demeurent : l’absence d’une garantie d’accès équivalente à celle dans l’EEE et la nécessité de maintenir une libre circulation des personnes a minima. 

Ces limitations ne doivent toutefois pas occulter l’amélioration substantielle que représente l’EUPA par rapport à la situation existante. En créant un socle de modalités et de règles qui manque aujourd’hui, l’EUPA permet une participation plus durable de la Suisse aux programmes servant ses intérêts. Le Conseil fédéral et les partisans du nouveau paquet ont tout à gagner à mieux mettre en avant cet atout encore méconnu.