L’empreinte écologique suisse en 2017 relance le débat sur le clivage qui persiste entre les pays du monde. Antonio Oposa, avocat environnemental de renom, défend un changement de terminologie qui constituerait un pas de plus en faveur de la justice climatique.
Le jour du dépassement de la Terre
A compter du 2 août 2017, nous utilisons plus de ressources que ce que la planète peut renouveler en un an. Chaque année, le jour du dépassement de la Terre est calculé par l’institut de recherche international the Global Footprint Network. L’empreinte écologique nous permet de connaître la surface de terre productive nécessaire pour qu’une population donnée, un pays ou une région puisse couvrir ses besoins et neutraliser ses déchets, en tenant compte de la gestion des ressources et des techniques existantes. Lorsque nous nous intéressons aux résultats par pays, les Suisses ont dépassé le seuil national dès le 28 avril 2017, quasiment au même moment que la France, le Royaume-Uni ou encore le Japon. En effet, le mode de vie suisse en 2017 nécessiterait 3.1 planètes si le reste de la population mondiale suivait notre modèle. Notre mode de vie se fait donc aux dépens d’autres régions du monde et des générations à venir, comme a argumenté la Confédération ces dernières années, ce qui pose un problème en termes de justice climatique. La justice climatique traite des aspects normatifs des questions environnementales (équité et justice principalement). Selon le Global Footprint Network, la plus grande part de l’empreinte écologique de la Suisse provient de ses émissions de gaz carbonique (chauffage, transports, unités d’incinération etc.). Cette tendance est la même dans tous les pays européens.
Limites de l’empreinte écologique.
L’empreinte écologique, comme tout indicateur, repose sur plusieurs hypothèses. Un bon nombre de scientifiques considèrent qu’elle sous-estime l’impact réel sur l’environnement en omettant certains aspects dans leur calcul, comme la pollution de l’eau. De plus, l’empreinte écologique se base sur les frontières politiques, ne prenant pas en compte la complexité d’un monde globalisé. La question de l’empreinte écologique permet cependant d’ouvrir le débat sur le clivage qui persiste entre les pays du monde.
Vers une nouvelle terminologie et ses implications
La consommation (d’énergie et de matériel) est à la base du modèle économique utilisé aujourd’hui pour mesurer le niveau de développement des pays. Le développement est ainsi lié au progrès économique qui se mesure, entre autres, selon le revenu par habitant et le niveau de consommation correspondant. L’avocat environnemental de renom, Antonio Oposa, a été particulièrement actif à ce sujet, en insistant pour un changement radical de terminologie. Les pays dits développés devraient être qualifiés de over-consumingou à forte consommation, et les pays dits en développement de low-consuming ou à faible consommation. S’inscrivant surtout dans un débat théorique, cette évolution terminologique peut avoir des conséquences beaucoup plus pratiques. En Suisse, par exemple, cela permettrait de questionner les responsables de la politique étrangère au niveau de la coopération et du développement, mais aussi et surtout permettrait une prise de conscience au niveau national, cantonal et individuel. Le 21 mai dernier, l’adoption du premier paquet de la Stratégie énergétique 2050 en est l’illustration. Lors de la prochaine session de la Conférence des Parties (COP23), qui se tiendra du 7 au 16 novembre à Bonn sous la présidence fidjienne, la Suisse peut s’engager à proposer ce changement de terminologie à la Convention Cadre des Nations Unis pour le Changement Climatique. Une telle position des responsables de la politique étrangère suisse irait au-delà des victoires accomplies lors des accords de Paris et constituerait un pas de plus en faveur de la justice climatique.