Brexit : le premier accord de retrait et son backstop honni

Le Royaume-Uni et l’UE ont conclu un accord de retrait. Une fois de plus, l’accord bute sur la ratification du parlement britannique et ce, alors même que le Premier ministre britannique, Boris Johnson, avait promis de sortir son pays de l’Union européenne le 31 octobre prochain. Le Forausblog propose une mini-série de trois articles de blogs résumant les informations essentielles de la saga du brexit : A) le premier accord de retrait et son backstop honni ; B) la nouvelle version de l’accord de sortie ainsi que l’impasse politique actuelle ; C) les scénarios pour l’avenir du brexit ainsi que leur impact pour la Suisse. Ce premier article de blog vise à traiter les enjeux de l’accord de sortie.  

 

Qu’est-ce que l’accord de retrait et son célèbre « backstop » ? 

 

Suite référendum de juin 2016 sur la sortie de l’Union européenne (UE), le Royaume-Uni et l’Union européenne ont réussi à finaliser un premier accord de retrait (AR1) en novembre 2018. Cet accord, très dense, prévoyait surtout de régler certaines questions migratoires et financières. L’accord instaurait aussi une période de transition jusqu’au 31 décembre 2020 (renouvelable une fois pour deux ans) entre la date de sortie officielle du Royaume-Uni et la mise en œuvre d’un nouveau type de relations entre Bruxelles et Londres. Selon les termes de la transition, le Royaume-Uni restait dans toutes les politiques de l’UE, le temps de conclure un accord complet sur les relations futures. Cependant, un accord sur les relations futures risquait de mettre beaucoup de temps avant d’être conclu et appliqué. Il existait donc un risque non négligeable que le Royaume-Uni sorte de cette phase transitoire en janvier 2023 sans accord et, par conséquent, tombe dans un régime commercial sub-optimal avec l’UE (régime OMC). Un tel « cliff-edge » aurait, bien évidemment, des conséquences négatives économiques importantes. 

 

Ceci dit, c’est l’impact politique de ce cliff-edge qui était sans doute le plus préoccupant pour les deux parties. En effet, il aurait débouché sur l’instauration de contrôles douaniers entre l’Irlande du Nord (Ulster) et la République d’Irlande. Or, de tels contrôles sont contraires à l’esprit de l’accord de paix du Vendredi saint. Cet accord de paix revêt une importance politique cruciale car il a mis fin à une guerre civile entre les communautés nationalistes irlandaises et celles unionistes d’Ulster. C’est la raison pour laquelle le Royaume-Uni et l’UE ont trouvé une solution originale, appelée « backstop » :  

Selon cette solution :  

 

1) tout le Royaume-Uni restait aligné sur quelques législations européennes (union douanière) ;

 2) le territoire d’Irlande du Nord demeurait aligné sur la plupart des législations européennes (union douanière et régulations du marché intérieur). 

3) Ces deux alignements croisés devaient être temporaires, le temps de trouver une solution sur les relations futures. 

 

Un pareil système permettait de maintenir une frontière ouverte entre les deux Irlandes, tout en évitant à l’Ulster de trop s’éloigner du giron économique britannique. Situé dans un protocole de l’AR1, le backstop était alors conçu comme une assurance et devait immédiatement se terminer lorsque Londres et Bruxelles auraient été en mesure de mettre en œuvre un accord sur leurs relations futures. 

 

Le parlement britannique ne veut pas du backstop

 

Une fois l’AR1 finalisé, Downing Street s’est heurté à une opposition déterminée de la majorité du parlement (Chambres des communes). Une majorité du parlement souhaitait conclure un accord de retrait et mettre en place une sortie ordonnée de l’UE. Toutefois, pour beaucoup de parlementaires, les dispositions de l’AR1 posaient problème. C’était particulièrement le cas des « brexiters » les plus intransigeants. Selon eux, le Royaume-Uni risquait de rester enfermé dans ce backstop sans espoir d’en sortir. Une telle situation était intolérable car Londres aurait été forcée d’appliquer un droit (législations douanières de l’UE surtout) sur lequel il n’aurait absolument aucune prise politique. Pour beaucoup, il s’agissait là d’un déficit démocratique inacceptable pour une nation qui devait, au contraire, recouvrer sa pleine souveraineté. 

Après trois échecs au parlement, il est très vite apparu que l’AR1 ne pourrait pas être ratifié en l’état. Devant ce revers, le Royaume-Uni et l’UE ont décidé de reporter la sortie officielle de l’UE – d’abord prévue fin mars – au 31 octobre 2019. En juillet dernier, devant la persistance de l’impasse, la Première ministre britannique, Theresa May s’est résolue à démissionner. Cette démission a permis l’avènement d’un nouveau chef de gouvernement très eurosceptique, Boris Johnson, et d’une nouvelle proposition d’accord qui sera l’objet du prochain blog de la mini-série du Forausblog sur le brexit.

 

 

Montage de DG MEME, utilisé avec leur accord : http://bit.ly/2N0gNTa