Briefing de politique étrangère: Genre

En plein cœur de l’automne électoral 2023, nous lançons une série de briefings de politique étrangère concis. Dans ces 14 briefings thématiques, 23 auteur·e·s reflètent la diversité des défis de politique étrangère qui ont occupé les parlementaires ces quatre dernières années et qui détermineront l’agenda politique dans un avenir proche ou moyen. Jusqu’aux élections nationales du 22 octobre, nous publions également les briefings de politique étrangère sous forme de série de blogs.

Genre

Executive Summary

– Ces dernières années, la Suisse s’est engagée à mettre en œuvre des conventions internationales liées aux questions de genre, notamment l’Agenda 2030 et la Convention d’Istanbul. 

– La politique étrangère féministe ainsi que les droits des groupes marginalisés occuperont le Parlement dans les années à venir. L’intersection entre les questions de genre, de climat, de paix et de sécurité gagneront également en importance.

– En accord avec les recommandations internationales spécifiques à la Suisse, la mise en œuvre de plans d’action nationaux joueront un rôle catalyseur essentiel afin d’atteindre des progrès en la matière.

Rétrospective

La législature 2019-2023 a connu son lot de controverses en lien avec les questions d’égalité de genre et de droits des femmes. Des initiatives populaires [1,2] lancées pour limiter l’accès à l’avortement, mais également l’impuissance vis-à-vis de l’augmentation des violences domestiques envers les femmes, entre autres exacerbées durant la pandémie de COVID-19, en sont des exemples forts.

La Suisse a déployé des efforts pour une meilleure mise en oeuvre de ses obligations internationales sur des thématiques variées liées au genre, en adoptant par exemple le plan d’action national pour l’implémentation de la Convention d’Istanbul et sa mise en oeuvre (23.3331), ou encore avec l’application de la Stratégie Égalité 2030 en réponse aux objectifs de développement durable de l’Agenda 2030 de l’ONU. Cependant, une mise en œuvre cohérente et efficace aux niveaux cantonal et communal reste un défi pour garantir que ces engagements internationaux se traduisent par un réel progrès. De plus, au-delà de l’attention portée à la thématique de l’égalité salariale, la perspective du genre pourrait être appliquée de manière transversale dans tous les secteurs de l’économie.

Tandis qu’un nombre croissant de pays tels que le Canada, l’Allemagne, ou encore la Suède ont pris position en faveur de l’adoption d’une politique étrangère féministe, la Suisse n’a pas suivi cette tendance jusqu’à présent, malgré l’appel de certains parlementaires suisses en faveur d’une meilleure prise en compte de la dimension égalitaire dans sa stratégie de paix et de sécurité (21.3122) et dans la politique étrangère en générale (22.3096). En même temps, le DFAE a adopté de nombreuses initiatives sur le droit des femmes, la lutte contre toute forme de violence, l’égalité des sexes et s’est engagé à les appliquer. 

 

Perspectives

Durant les années à venir, l’égalité de genre ainsi que la protection et la promotion des droits des femmes continueront à occuper le Parlement. Il s’agit d’une part de mettre en œuvre les engagements internationaux auxquels la Suisse a souscrit et d’autre part de suivre les rapides développements internationaux dans le domaine du genre. Concernant ses engagements internationaux, la Suisse pourrait déployer des efforts dans la réalisation de ses stratégies d’implémentation nationale, notamment pour répondre aux recommandations du Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique et du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Dans ce contexte, il est important de mettre l’accent sur les besoins des groupes marginalisés, telles que les femmes en situation de handicap, touchées de manière disproportionnée par les actes de violence. 

Les objectifs de développement durable de l’Agenda 2030 de l’ONU contiennent également des thèmes sur lesquels la Suisse peine encore à s’aligner. Dans le domaine de l’autonomie économique des femmes, la Suisse se caractérise – en comparaison avec d’autres pays européens – par la brièveté de son congé paternité et le coût élevé des places en crèche. Dans ce domaine, le financement étatique de projets offrant aux femmes davantage de possibilités d’autonomie économique fera très probablement l’objet de débats parlementaires durant les années à venir.

Outre la mise en œuvre d’engagements internationaux, une meilleure prise en considération des tendances et développements globaux en matière d’égalité de genre permettrait à la Suisse d’adapter sa politique étrangère de manière plus fondée. La politique étrangère féministe est un exemple d’un tel développement, notamment au vu de l’implication croissante des organisations de la société civile en faveur d’une telle évolution. 

En parallèle, les tendances concernant les préoccupations relatives à la protection des droits des personnes LGBTQIA+ qui s’imposent à l’échelle internationale trouvent aussi écho au sein de la population suisse. Ainsi, il y a de grandes chances que cette thématique gagne en fréquence dans les débats parlementaires de cette prochaine législature. 

Enfin, d’autres développements se dessinent dans le domaine de la paix et la sécurité Lors de la révision du plan d’action pour la mise en œuvre de l’Agenda “Femmes, Paix et Sécurité”, des thématiques telles que l’intersection entre l’égalité de genre, le changement climatique et la politique de sécurité pourraient davantage figurer parmi les priorités. En anticipant la prise en compte de ces tendances émergentes dans ses politiques extérieure et intérieure, la Suisse pourrait se positionner de manière avantageuse pour répondre aux défis futurs. 

La Suisse continuera à travailler sur la mise en œuvre de ses engagements internationaux en matière d’égalité des genres et à suivre le débat en constante évolution sur les questions émergentes dans ce domaine au cours de la prochaine législature. Le niveau de proactivité et de crédibilité dans ce domaine affectera la capacité de la Suisse à renforcer sa légitimité en tant que partenaire fiable dans la défense des droits humains. Toutefois, cette orientation de politique étrangère n’aura pas seulement un impact sur l’égalité des sexes et la promotion des droits des femmes au niveau international, mais aussi à l’intérieur des frontières suisses.