Corridor SoutH2, modèle indépassable de coopération Nord-Sud ?

Relier lAfrique du Nord à lEurope via un pipeline de 3 300 km dédié à lhydrogène propre (vert) et bas carbone (bleu) : tel est lobjectif à l’horizon 2030 de l’ambitieux projet négocié entre l’Italie, l’Allemagne, l’Autriche, l’Algérie et la Tunisie, baptisé « SoutH2 Corridor ». Reconnu comme Projet d’Intérêt Commun (PIC) par lUnion européenne, ce corridor énergétique illustre une coopération euro-méditerranéenne au service de la transition écologique et de la sécurité énergétique.

Environnement, transports et énergie

Répondre aux objectifs de décarbonation

Le projet SoutH2 Corridor s’inscrit pleinement dans les ambitions de l’Union européenne, qui cherche à réduire ses émissions de gaz à effet de serre et à diversifier ses sources d’approvisionnement en énergie. En Algérie, Sonatrach sera chargée de la production dhydrogène vert, soutenue par Sonelgaz, qui alimentera les électrolyseurs nécessaires. En Europe, la chaîne de distribution mobilisera plusieurs acteurs : VNG en Allemagne pour la distribution, Snam et SeaCorridor en Italie pour le transport via la Méditerranée, et Verbund Green Hydrogen en Autriche pour les infrastructures locales.

En connectant l’Afrique du Nord à l’Europe, ce corridor permettra à l’Italie de renforcer sa position de hub énergétique sur le vieux continent et d’acteur clé dans le processus de transition énergétique engagé par l’UE. Pour l’Allemagne, ce corridor est un moyen crucial pour alimenter la Bavière, pôle industriel soumis à une forte demande énergétique et souhaitant se positionner comme Land de premier plan sur l’hydrogène. En alimentant les besoins croissants en énergie propre, le projet répond aux objectifs de l’Europe d’atteindre une neutralité carbone d’ici 2050 en réduisant sa dépendance aux combustibles fossiles traditionnels.

Opportunités économiques pour le Maghreb

En plus de répondre aux objectifs écologiques de l’Union européenne, le projet SoutH2 Corridor sinscrit dans une dynamique de diversification économique pour les pays du Maghreb. En Algérie, pays de départ, il pourrait accélérer la transition dune économie encore trop dépendante du gaz naturel et du pétrole vers les énergies renouvelables, tout en offrant une nouvelle source de revenus à long terme.

Avec son vaste territoire et un ensoleillement parmi les plus élevés au monde, l’Algérie dispose datouts majeurs pour devenir un fournisseur incontournable dhydrogène vert. LAlgérie comme la Tunisie bénéficieront également du développement dune expertise technique dans un secteur davenir, renforçant ainsi leurs capacités technologiques et industrielles. De plus, la mise en œuvre de ce corridor promet de créer des emplois qualifiés au sein de la filière hydrogène, stimulant la croissance économique et linsertion professionnelle dans ces pays.

Un levier d’intégration régionale et de coopération internationale

Le projet SoutH2 Corridor se distingue par son potentiel à renforcer lintégration régionale. D’abord au Maghreb, région minée par des divisions et conflits, en favorisant la coopération entre lAlgérie et la Tunisie qui tendent progressivement à former un duo stratégique. Il favorise également la coopération euro-méditerranéenne et intra-européenne, avec une importante coordination entre les États membres impliqués. De plus, il pourrait s’élargir à dautres pays comme la Suisse, voire la France à plus long terme. La Suisse qui a été invitée à Rome en qualité de membre observateur lors du lancement officiel du projet, a confirmé dans sa stratégie hydrogène, s’engager en faveur d’un raccordement supplémentaire entre l’Italie et l’Allemagne, qui traverserait son territoire.

Les défis et enjeux à surmonter

Ce modèle ambitieux peut toutefois soulever certaines interrogations. La question d’une dépendance excessive des pays sud-européens, qui pourraient se voir tentés de profiter des tarifs compétitifs proposés de l’autre côté de la Méditerranée au détriment de leur souveraineté énergétique, peut légitimement se poser. Ainsi, il demeure crucial pour l’Europe de continuer à multiplier ses sources d’approvisionnement, tout comme l’Algérie sera, à terme, confrontée au défi de la diversification de ses clients. Certains observateurs redoutent également la réactivation symbolique d’un schéma « néocolonial » classique, où l’Afrique concentrerait ses ressources sur la satisfaction des besoins des pays développés, au détriment de ses propres enjeux en matière environnementale et de développement durable.

Malgré les questionnements, ce projet repose en définitive sur une logique de complémentarité, où chaque partie trouve son avantage. Les pays du Nord y voient une opportunité dassurer leur sécurité énergétique, tandis que les pays du Sud exploitent cette demande pour optimiser leur croissance. Accepter que les priorités diffèrent entre le Nord et le Sud permet de considérer cette initiative comme un partenariat pragmatique, où chaque partie prenante trouve des réponses adaptées à ses aspirations.