Peut le Brexit influer les discussions intensives en cours entre la Suisse-UE, particulièrement sur la question, de la libre circulation des personnes et de la clause de sauvegarde auquel tient le Conseil fédéral actuellement ?
Les 18 et 19 février derniers, lors du Conseil européen, le Premier ministre anglais a obtenu les « concessions » qu’il souhaitait de ses homologues européens. De fait, le Royaume-Uni devrait encore renforcer son statut d’Etat membre bénéficiant d’exceptions formelles. Satisfait de cette situation, David Cameron a annoncé qu’un référendum portant sur un maintien du Royaume-Uni dans l’UE se tiendra le 23 juin prochain.
Dans quelle mesure ce nouveau développement peut-il influer sur les discussions intensives en cours à Bruxelles entre la Suisse-UE, particulièrement sur la question, de la libre circulation des personnes et de la clause de sauvegarde auquel tient le Conseil fédéral actuellement ?
Avant de pouvoir répondre à cette question, il convient de rappeler deux éléments importants. Premièrement, la situation du Royaume-Uni et de la Suisse est radicalement différente d’un point de vue juridique. Le premier est membre de plein droit de l’UE. A ce titre, il peut obtenir des aménagements, y compris sur la libre circulation, en priorité et de manière plus aisée qu’un pays tiers comme la Suisse. Deuxièmement, contrairement à la Suisse, le Royaume-Uni n’a jamais officiellement souhaité une réduction quantitative de l’immigration de travail européenne. Le gouvernement anglais s’est contenté de demander et à obtenir un train de mesures visant à lutter contre le « tourisme social » des européens.
La tactique de la Commission
Ceci étant dit, il existe aussi des similitudes remarquables entre ces deux cas. On en trouve facilement si l’on se penche sur la manière dont l’UE a traité à la fois les demandes britanniques et celles, plus ambitieuses, des Suisses. En effet, il est frappant d’observer que, dans les deux cas, la Commission européenne a utilisé la même tactique pour accommoder des revendications qui paraissaient de prime abord excessives voire extravagantes du point de vue du droit européen.
Contrairement à ce que certains observateurs politiques attendaient, la Commission n’a pas refusé d’entrer en matière en invoquant seulement le caractère sacré de la libre circulation (comme cela a pu être le cas jusqu’au départ du Président Barroso fin 2014). Faisant preuve d’un sens stratégique certain, elle a accepté de discuter avec ces deux enfants terribles de l’euroscepticisme.
Ce faisant, elle a pris les Britanniques et les Suisses à leur propre jeu en acceptant d’envisager des mesures limitatives pour autant que Londres et Berne puissent prouver que le fonctionnement actuel de la libre circulation crée des difficultés sérieuses d’ordre sociales et économiques. De ce fait, elle s’est placé dans la position d’un organisme politique pragmatique et ouvert à la discussion, tout en se prémunissant aussi de mauvaises surprises.
La preuve manquante
En effet, dans le cas suisse comme dans celui britannique, aucune urgence d’ordre sociale et économique n’est à déplorer. Le taux de chômage suisse est voisin de quatre pourcent (et même moins élevé pour les Suisses que pour les étrangers). Celui britannique est à peine plus élevé à un peu plus de cinq pourcent.
Dans ces conditions, l’on pourrait même arguer du fait que c’est parce que les économies suisses et britanniques se portent bien qu’autant d’Européens y trouvent du travail et s’y installent. Pour rappel, il est nécessaire de bénéficier d’un contrat de travail pour faire valoir un droit d’établissement au titre de la libre circulation.
En conclusion, il est un peu vain de spéculer sur les effets sur les discussions Suisse-UE des concessions d’ordres non-quantitatives obtenues par M. Cameron. Elles sont différentes de celles invoquées par le Suisse mais, surtout, ces mécanismes de frein « sociaux » ne seront probablement jamais mis en œuvre ou alors juste temporairement.