La réélection de Hasan Rouhani à la présidence de l’Iran a suscité l’enthousiasme chez les commentateurs occidentaux, célébrant la modération du nouveau président et sa promesse d’ouverture de l’Iran sur le monde. Mais Rouhani se trouve dans une posture politique complexe, que les bons sentiments ne peuvent effacer : décryptage en cinq points des limites qui entraveront la marge de manœuvre du nouveau président.
1. Une structure politique bipolaire
L’Iran compte deux systèmes politiques parallèles: un ensemble d’institutions élues démocratiquement (Présidence, Parlement) et une structure théocratique semi-élue, qui non seulement sélectionne les candidats éligibles à la présidence, mais dont les institutions ont aussi le dernier mot sur toutes les décisions prises par les institutions civiles. Ainsi, les réformes de Rouhani seront toujours à la merci du bon vouloir des ayatollahs, peu réputés pour leur désir de changement.
2. Une politique étrangère incontrôlable
De ce double système politique découle une mainmise des autorités religieuses sur la politique étrangère de l’Iran. En effet, c’est là l’unique moyen pour le Guide Suprême de sauvegarder l’héritage de la Révolution Islamique de 1979. Par conséquent, le Président est quasiment impuissant dans ce domaine. Le second mandat de Rouhani continuera donc d’être caractérisé par le soutien iranien à Bashar al-Assad en Syrie, au Hezbollah et à la Russie.
3. Un Guide Suprême ambivalent
Si Ali Khamenei, le Guide Suprême actuel, soutenait Rouhani lors de sa campagne de 2013, il favorisait cette année l’opposant principal de Rouhani, Ebrahim Raisi. Dans les derniers mois, Khamenei a multiplié les déclarations hostiles à Rouhani, l’accusant d’une trop grande sympathie pour les Etats-Unis, et dénonçant son incapacité à concrétiser les résultats économiques promis. Cette situation n’est pas prête de changer, l’âge et les problèmes de santé de Khamenei le poussant à prospecter un successeur. Tout porte donc à croire que ce dernier sera au moins aussi peu favorable à Rouhani.
4. Une économie fragile
Les années Ahmadinejad ont aliéné l’Iran et aggravé les sanctions qui paralysent son économie. Rouhani a fait campagne en 2013 sur la promesse de lever le régime de sanctions : la signature de l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien (JCPOA) contient en effet l’assurance d’une levée progressive des sanctions, mais la reprise économique n’a pas suivi. Rouhani a promis qu’un deuxième mandat lui permettrait de « terminer le travail commencé », mais les investisseurs occidentaux sont toujours hésitants à s’implanter dans un Iran perçu comme instable.
5. Donald Trump
Le nouveau résident de la Maison Blanche n’est pas exactement un supporter de la République Islamique. Déjà critique de l’administration Obama au sujet de l’accord sur le nucléaire, Trump a choisi les deux ennemis jurés de l’Iran, Israël et l’Arabie Saoudite, comme destinations pour son premier voyage présidentiel. Sans surprise, les bases de la nouvelle politique américaine au Moyen Orient s’articulent dans une coalition anti-Iran, même si Trump a donné son aval pour la levée de certaines sanctions comprises dans le JCPOA. Face à un homologue peu enclin au dialogue, et encore moins à la coopération, la politique d’ouverture de Rouhani risque de tomber dans l’oreille d’un sourd.
C’est en gardant ces cinq points en tête que l’on peut, à raison, se réjouir de la réélection de Rouhani. Malgré ces limites, sa victoire confirme le désir d’ouverture de la population iranienne qui, malgré des années de sanctions économiques, est résolue à porter son pays vers le rôle régional et international qui lui revient.