Ce blog est le troisième d’une série visant à jeter un aperçu sur les stratégies de développement de la place financière suisse tout en gardant un œil sur son actualité particulièrement riche depuis 2008.
L’industrie des hedge funds possède une réputation sulfureuse. En effet, l’imaginaire collectif tend à associer les hedges funds aux dérives de la finance et à résumer l’ensemble de leurs activités sous le mot anathème de «spéculation». Ce type d’analyse mélange cause et conséquence. La spéculation révèle des déséquilibres macroéconomiques, des nécessités d’ajustement ou des déficits de régulation mais n’en est pas à l’origine. Les causes de ces phénomènes sont sous-jacentes et sont souvent les résultats de décisions politiques. La spéculation force des ajustements nécessaires que les autorités tendent à retarder pour des raisons qui restent essentiellement politiques ou électoralistes. Elle permet ainsi, tout en dégageant certes d’importants profits, de forcer les politiques, en quelques jours ou parfois même en quelques heures, à agir ou à supporter les conséquences d’erreurs politiques passées. Au fond, la spéculation est un bien public et la Suisse serait bien avisée de l’attirer pour sa prospérité future.
Succès partiel
Le Conseil fédéral réforma en 2007 la loi sur les placements collectifs de capitaux en permettant la création de la société en commandite de placements collectifs (parallèle civil du limited-partnership anglo-saxon) et l’amélioration des conditions fiscales notamment en matière de rémunération. L’attractivité de la gestion d’investissement alternatif fut ainsi considérablement renforcée en Suisse. L’arrivée discrète mais importante des deux groupes Brevan Howard et BlueCrest à Genève fut interprétée comme un succès de cette première réforme. Pourtant, la solution de Genève s’impose plus par nécessité que véritable choix. Genève n’apparaît toujours pas comme une alternative solide à Londres dont la perte d’attractivité reste encore toute relative. Le gain d’attractivité de la place financière suisse reste limité car la réforme est incomplète : en effet, l’imposition des managers de hedges funds et l’optimisation de la structure fiscale de ces fonds restent problématiques.
Nouveaux défis
La récente réforme de la législation européenne en la matière pose de nouveaux défis au législateur suisse chargé de trouver une solution euro compatible qui ne nuirait pas à l’attractivité de la place financière suisse. Le projet actuel de révision du droit des hedges funds par le Conseil fédéral reste largement insuffisant pour renforcer l’attractivité de la place financière suisse et témoigne d’une difficulté à penser de manière proactive et agressive l’avenir de l’investissement alternatif en Suisse en collaboration étroite avec les milieux concernés. L’audacieux contre-projet développé par la banque Rotschild (Contre-projet Alexandre Col), ignoré dans le projet du Conseil fédéral, est un excellent signe des besoins de la place financière suisses et du manque de collaboration avec les autorités fédérales. Enfin, au-delà des questions de rémunération, de fiscalité et d’adaptation de la législation européenne, les conditions-cadres générales (marche du travail, visas et lois migratoires) restent défavorables au développement d’un véritable cluster.
La Suisse possède de nombreux atouts pour devenir un pays leader de l’investissement alternatif. Contrairement à d’autres places financières innovantes telles Luxembourg ou Londres, la Suisse semble pourtant s’en détourner. Quelle est la stratégie suisse ? Ni les rapports, ni les actions du Conseil fédéral ne semblent l’indiquer.
Julien Briguet est membre du comité du foraus. Il vit à Londres et étudie à la London School of Economics and Political Science (LSE).
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