De Sebastian Justiniano Birchler – La diplomatie publique est un élément indissociable du bon fonctionnement de notre démocratie. Aller à la rencontre de la population est un bon début. Mais il est aussi essentiel d’offrir les conditions d’une réelle participation de la société civile et de décisions citoyennes en connaissance de cause. Micheline Calmy-Rey a initié la marche. A son successeur de poursuivre la route.
La préservation de la qualité de vie en Suisse passe par une politique étrangère visible sur le plan international, mais également sur le plan national. Ainsi, la politique étrangère suisse ne saurait s’affranchir de l’appui populaire indispensable à l’accomplissement d’une politique efficace et cohérente. Or les votations récentes sur l’interdiction des minarets et le renvoi des criminels étrangers ont mis à mal l’ouverture affichée sur le front extérieur en diffusant une image de fermeture intérieure de la Suisse. Cela a suscité l’incompréhension des autres Etats face à notre pays considéré jusque-là comme un modèle. Ces exemples de fracture entre ces deux pans de notre politique appellent des initiatives favorisant la participation de la société civile à la politique étrangère dans un contexte international ayant sensiblement évolué au cours des deux dernières décennies.
La participation à la politique internationale au cœur de la souveraineté et de la citoyenneté
Aujourd’hui, la Suisse fait partie d’un monde interdépendant et globalisé où les relations et les enjeux sont complexes. Qu’on le veuille ou non, des décisions prises dans les fora internationaux ont des conséquences directes sur notre quotidien. Pour éviter que ces décisions ne soient ressenties comme imposées de l’extérieur, il est nécessaire que la Suisse prenne part aux processus décisionnels internationaux. Etre souverain au XXIème siècle, c’est participer aux discussions et décisions internationales en s’efforçant d’obtenir des résultats favorables à la Suisse.
Si être souverain impose de participer au plan international, être citoyen, c’est aussi participer à la discussion sur la politique étrangère. Pour que la population soutienne la politique étrangère et qu’elle accueille avec bienveillance les fruits d’un travail international intense et difficile, il faut que des plateformes de discussion soient non seulement accessibles, mais également que des échanges réguliers avec les acteurs et décideurs de la politique étrangère suisse soient possibles. Ce n’est que par la rencontre avec le peuple que la Suisse pourra réconcilier politique nationale et politique étrangère.
La diplomatie publique : une condition de notre démocratie
Notre Présidente actuelle, Madame Micheline Calmy-Rey, a bien compris l’importance d’aller à la rencontre de la population. Expliquer la politique étrangère de la Suisse à la population et lui offrir l’occasion d’en débattre, voilà sur quoi repose le crédo qu’elle a martelé à Lausanne le 7 septembre dernier. Inscrite dans le concept de « diplomatie publique » cette initiative doit aussi être saluée parce que la Présidente a prôné une plus forte participation populaire le jour même de l’annonce de son retrait du Conseil fédéral pour la fin de l’année. Comme un passage de témoin au peuple. Tout un symbole.
Dans les faits, favoriser la participation passe également et d’abord par la résolution d’un problème de fond : le manque de connaissances et d’informations relatif à la politique internationale de notre pays. Sans informations suffisantes, aucun vote ne peut être considéré légitime et crédible. Afin qu’elle fonctionne réellement, notre démocratie directe exige que l’on donne les moyens au peuple de s’exprimer en connaissance de cause sur la base de réflexions et considérations objectives par-delà des argumentaires partisans et partiels. De ce fait, il importe de créer les conditions d’une authentique culture civique et ce dès le plus jeune âge, par exemple par des cours à l’école obligatoire. Ceux-ci devraient être consacrés au système fédéral bien sûr, mais aussi au fonctionnement des institutions européennes et onusiennes où se jouent en partie notre destinée commune. Ces connaissances fondamentales devraient ensuite pouvoir être approfondies dans le cadre des études universitaires offrant ainsi les possibilités d’une recherche académique de qualité bénéfique à la compréhension des problématiques internationales et à la production de solutions adéquates.
Consolider et développer la diplomatie publique : la tâche du prochain chef du DFAE… et la nôtre !
Les bases qu’a posées le DFAE de Micheline Calmy-Rey par sa « diplomatie publique » sont un acquis qu’il s’agit désormais de consolider et de développer. C’est la tâchede la femme ou de l’homme qui lui succédera à la tête du DFAE, mais aussi la nôtre, du citoyen aux organisations déjà actives. La société civile a son mot à dire. L’opportunité nous en est offerte, à nous de la saisir.
Sebastian Justiniano Birchler doctorant en droit international (IHEID), a étudié les relations internationales (Université de Genève) et le droit international (IHEID). Il est coordinateur régional du foraus à Genève et membre du groupe de travail droits de l’homme et politique humanitaire.
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