La diplomatie suisse au coeur du conflit ukrainien: Quel bilan à la tête de l’OSCE?

Frieden & Sicherheit

Alors que la Suisse a passé le témoin de la présidence de l’OSCE à la Serbie pour l’année 2015, le groupe foraus-Genève a organisé une table ronde pour discuter du bilan de son activité. Quels ont été les résultats les plus probants de la Suisse ? Comment la Suisse a-t-elle géré les difficultés liées à la crise Ukrainienne ?

 

En ce début d’année 2015, les médias ont largement applaudi le travail de Didier Burkhalter ainsi que de son équipe à la tête de l’OSCE. Certains commentateurs le voient déjà remporter le prix Nobel de la paix ou accéder au prestigieux poste de secrétaire générale de l’ONU… Mais quelle est la vision des personnes ayant œuvré sur le terrain tout au long de cette année 2014 ?

Un bilan positif ?

« Est-ce une victoire ? Avons-nous été formidables ? »: « Je ne pense pas ! » Ces mots raisonnent dans les locaux du Club suisse de la presse en ce mercredi 25 février. Ces paroles sont celles de Raphael Nageli, diplomate suisse et responsable de la Task Force de l’OSCE: « Si on tire le bilan de cette année 2014, il est négatif. Ni la Suisse, ni l’OSCE, ni quelqu’un d’autre n’ont pu arrêter le conflit en Ukraine. Cela a été une escalade permanente pendant toute l’année et ça continue». Il est vrai qu’avec 6000 morts et 1,6 million de personnes déplacées, des cessez-le- feu qui ne sont jamais respectés ou si peu, il est difficile de voir cette année sous un œil positif.

Sommes-nous ainsi réduits à un bilan purement négatif ? Cette conclusion semblerait un peu injuste vis-à-vis du travail fourni par la délégation suisse à l’OSCE. En effet, un de leur plus grand succès a été la mise en place de la mission de monitoring. Ce projet, accepté avec le consensus de tous les acteurs concernés, a été proposé une semaine après l’annexion de la Crimée par l’armée russe. Ce monitoring permet à 500 observateurs neutres et indépendants de se rendre sur le front et de faire des rapports sur la situation du front (à l’exception de la Crimée ).

Task force OSCE en Ukraine (Image: OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine,Creative Commons)

Une autre réalisation de la Suisse a été la création du groupe de contact trilatéral où l’Ukraine, la Russie et l’OSCE peuvent dialoguer ensemble. Ce groupe est le seul lieu permanent de discussion sur des sujets tels qu’un cessez-le-feu ou sur des solutions politiques pour la résolution du conflit.

Ainsi, si l’OSCE n’a pas réussi à faire cesser les hostilités, il est bon de rappeler que le conflit ukrainien n’a pas été linéaire et qu’à chaque fois que la situation s’est détendue, l’OSCE était là pour proposer ses services.

Une chance pour la Suisse ?

Cette crise a-t-elle été paradoxalement une chance pour la Suisse ? Chance de se faire connaitre et reconnaitre par le reste du monde? Oui sans doute, mais une chance méritée car elle est le fruit d’un engagement diplomatique suisse de longue durée. En effet, la Suisse a déjà été impliquée dans les échanges diplomatiques lors des guerres de Géorgie et de Tchétchénie. Selon Eric Höesli (professeur à l’université de Genève et à l’EPFL et ancien journaliste spécialiste de la Russie), la véritable chance a été pour l’OSCE d’avoir la Suisse pour présidente !

Il est vrai qu’il n’a pas été aisé pour la Suisse, considérée comme un état neutre, de se positionner dans un tel conflit. En effet, comment concilier la présidence de l’OSCE et l’intérêt national ? Comment se positionner face aux sanctions de l’UE par rapport à Moscou ? Comment rester neutre lorsqu’on est entre l’Union européenne et la Russie ? Vastes questions…

Un espoir pour l’avenir ?

N’a-t-on pas négligé un acteur important lors des discutions autour du conflit ukrainien ? En effet, qui parle et tient compte des souhaits de la société civile ? Celle-ci s’est notamment manifestée sur la place Maïdan pour protester contre la corruption et la militarisation de l’Etat, alors dirigé par Viktor Ianoukovytch. Après une année de conflit, Sidonia Gabriel (directrice du KOFF de swisspeace) remarque une polarisation de plus en plus importante des différents acteurs, qu’ils soient membres de la société civile ou du monde politique. Cela pose évidemment de grandes difficultés pour parvenir à rétablir une certaine stabilité dans le pays. Peut-on parler de réconciliation alors que le pays est à feu et à sang ? Oui, il faut semer les graines de la paix! Mais le processus promet de ne pas être des plus faciles…

En 2015, la Suisse a légué sa présidence à la Serbie qui passera ensuite son tour à l’Allemagne en 2016. Ces trois pays forment ainsi une troïka qui recherche ensemble des solutions pour apaiser le conflit à l’Est. La Suisse, s’étant portée volontaire au travers d’un groupe de la Task force OSCE à soutenir l’action serbe, reste active sur le plan diplomatique en cas de besoin.