La plupart des universités et hautes écoles suisses ont leur rentrée ce 18 septembre. Cette année encore, elles resteront exclues du programme européen Erasmus. La participation de la Suisse à Erasmus+ est-elle encore à l’ordre du jour ? Interviewée par le forausBlog, Therese Steffen Gerber, cheffe de la division Coopération en matière de formation du Secrétariat d’Etat à la Formation, la Recherche et l’Innovation (SEFRI), trace un état des lieux.
Après une quinzaine d’années de participation indirecte au programme Erasmus, la Suisse a finalement été associée à part entière au célèbre programme de mobilité universitaire en 2011. En 2014, l’UE refuse la participation de la Suisse à son successeur Erasmus+ (2014-2020) en tant que mesure de rétorsion, dans le sillage du vote du 9 février sur l’initiative “contre l’immigration de masse”. Plus exactement, la suspension des négociations sur Erasmus+ est une réaction au refus suisse de ratifier l’extension de l’accord de libre circulation des personnes avec la Croatie, une ratification rendue politiquement et légalement délicate après le vote du 9 février 2014. Dans l’urgence, la Suisse met en place une solution transitoire prévue jusqu’à fin 2017, qui inclut le programme Swiss European Mobility Programme (SEMP) pour la mobilité universitaire. Cette solution transitoire a finalement été prolongée jusqu’en 2020, une mesure condamnée par les lobbys universitaires comme l’UNES. Entre-temps, le nombre d’étudiants prenant part à un échange continue de croître (+12% en 2016).
Darius Farman – Quels sont les avantages et désavantages de la solution de transition ?
Therese Steffen Gerber – La solution de transition, qui s’apparente au système ayant primé jusqu’en 2011, fonctionne bien. Le nombre d’étudiants en échange a même augmenté. Deux désavantages peuvent néanmoins être mentionnés : pour les universités d’une part, cela implique une surcharge de travail, avec la nécessité de devoir négocier des accords bilatéraux avec chaque université en lieu et place d’un cadre global ; pour les étudiants, d’autre part, puisque certaines universités, telles que Madrid, Oxford ou Cambridge, souvent les plus grandes, ont refusé d’entrer dans des schémas bilatéraux particuliers. Du point de vue des universités néanmoins, il faut relever que la solution de transition offre une certaine flexibilité, afin de conclure des accords uniquement avec les institutions qui les intéressent.
Ainsi, la solution de transition garantit pour l’essentiel la mobilité ; c’est une solution pragmatique. Le débat autour d’Erasmus, lui, est très émotionnel. Il y a bien sur un aspect symbolique indéniable : en faire partie, ou ne pas en faire partie… Au final, la décision relève d’un calcul à la fois financier et politique.
DF – Justement. La différence de coûts significative entre la solution de transition et Erasmus+ a souvent été soulignée. A quoi tient-elle ?
TSG – En effet, le montant initialement demandé par l’UE aurait été environ trois fois supérieur à celui de la solution de transition (NDR : environ 100 millions de francs par an contre 30 à 40 millions de francs, en se basant sur une moyenne annuelle). Il y a notamment deux raisons à cela. Premièrement, la méthode de calcul diffère ; celle de l’UE prend en compte le PIB et aboutit à une somme supérieure pour la Suisse. Deuxièmement, le programme Erasmus+ inclut des instruments allant au-delà de ce que prévoit la solution de transition. Or, une association à Erasmus+ implique la participation à l’entièreté du programme. C’est un paquet à prendre ou à laisser.
DF – La question d’une éventuelle association de la Suisse à Erasmus+ ou son successeur est-elle intégrée dans les négociations plus larges en cours entre la Suisse et l’UE ?
TSG – Il n’y a aucun lien ou causalité directe entre les programmes d’éducation tels qu’Erasmus+ et les autres dossiers. Mais comme dans toute discussion diplomatique, il y a plusieurs éléments qui entrent en jeu. Il est très difficile de déterminer quelle sera la stratégie de négociation. La coopération en matière de formation est une seule pierre dans une bâtisse en pleine construction entre les deux parties. L’avenir le dira ! Constatant que la prochaine échéance du programme, en 2020, s’approchait, le gouvernement suisse a en tout cas préféré s’en tenir à une solution suisse pour les années 2018-20 et négocier plutôt l’éventuelle participation de la Suisse à la prochaine mouture du programme.