De Pablo Diaz – Le Sommet de Rio va bientôt démarrer. Quelle rôle peut jouer la Suisse dans les négociations de Rio + 20 en matière d’économie verte ? Quelle est sa position et surtout quelles forces peut-elle mobiliser pour influencer le processus ?
En juin à Rio, la communauté internationale s’accordera sur le nouveau visage à donner au développement durable, en renouvelant, non sans ajustements, ses engagements faits il y a maintenant 20 ans. Parmi les enjeux centraux qui seront débattus à cette occasion, il en est un qui suscite de vives controverses : la transition vers une économie verte. Avec un secteur de la recherche fort, une économie dynamique et une volonté affichée de son exécutif d’intervenir sur des domaines précis, comme le Masterplan Cleantech, la Suisse est en bonne position pour devenir un leader dans le domaine. Dans ce cadre elle propose l’adoption d’une feuille de route internationale et le développement de plans d’action nationaux.
Un enjeu central mais clivé
La crise économique sévère qu’a connue le monde ainsi que les pressions internationales découlant des échecs successifs en matière environnementale ont fait du concept d’économie verte une pierre angulaire du discours politique actuel. Sensé permettre un compromis entre relance économique et respect de l’environnement, ce concept ambitieux n’est cependant pas sans engendrer d’importants débats. En effet, si certains pays du Nord défendent l’idée selon laquelle une transition vers une économie verte aurait automatiquement des retombées positives sur le volet dit « social » du développement durable, le G77/Chine voudrait que ce dernier, et plus précisément la thématique de la lutte contre la pauvreté, soit pris en compte de manière plus ciblée et prioritaire.
Une responsabilité commune mais différenciée ?
Dans le prolongement de cette revendication, le G77/Chine propose la reprise du principe de « responsabilité commune mais différenciée », énoncé lors du sommet de la terre de 1992. Malgré sa réticence à reprendre ce point hors de son contexte, la Suisse n’ignore pas les inquiétudes à la base de cette proposition. Bien au contraire, elle propose des modalités de mise en oeuvre de l’économie verte qui prennent en compte les particularités de chaque pays. Plus précisément, elle opère une distinction entre les pays à bas revenus, devant se focaliser sur la lutte contre la pauvreté, les pays à revenus moyens, devant développer des modes de gouvernance découplant croissance économique et utilisation des ressources naturelles et les pays à hauts revenus, devant diminuer l’utilisation des ressources naturelles tout en préservant la stabilité économique et sociale.
Un leadership suisse ?
L’objectif de la Suisse dans cette négociation est d’aboutir à l’adoption d’une feuille de route (Green Economy Roadmap). Cette dernière devrait contenir un volet politique, formulant une vision et des objectifs communs et définissant un calendrier et des échéances ainsi qu’un niveau opérationnel, définissant les instruments de sa mise en oeuvre sur la base des bonnes pratiques. Durant les consultations informelles tenues du 23 avril au 4 mai 2012, la Suisse a proposé des exemples concrets : des instruments économiques et fiscaux, des investissements dans l’infrastructure verte, une réforme des subsides, un large partage de l’information ainsi qu’un partenariat entre le secteur publique, le secteur privé et la société civile. Ces propositions ont jusqu’ici eu des échos très variés. Si l’Union européenne rejoint la Suisse sur un nombre important de points, le G77/Chine s’oppose quant à lui à la formulation de mesures trop précises, la notion même d’économie verte étant encore sujette à débats. C’est également le cas des Etats-Unis et du Canada qui ont clairement exprimé leur volonté de prendre des engagements politiques peu contraignants. Les négociations s’annoncent donc difficiles mais il est indéniable que sa position ambitieuse, documentée et concrète font de la Suisse un acteur incontournable dans ce processus.
La Suisse a donc toutes les cartes en main pour se placer en leader sur cette thématique. Cela dit, il semble primordial qu’elle apporte un soutien actif dans le transfert des technologies vers les pays du Sud. Si elle est en bonne position pour profiter de l’ouverture de nouveaux marchés « verts », elle ne doit pas oublier que de nombreux pays en développement ne jouissent pas de ses avancées technologiques. Elle doit donc apporter un soutien effectif à l’application de son plan de route qui, aussi intéressant soit-il, peut devenir à court terme une charge supplémentaire pour d’autres pays. De plus, il est primordial qu’elle montre l’exemple au niveau de sa politique intérieure, ce que le Conseil fédéral commence à faire, sans quoi ses positions dans les sphères internationales n’auraient que trop peu de cohérence.
Pablo Diaz est assistant Diplômé à l’Institut des Sciences sociales de l’Université de Lausanne. Ses domaines de recherche comprennent les politiques de développement, les politiques publiques, la diffusion des modèles et les organisations internationales.
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