Quels enjeux pour la 21ème conférence des Nations unies sur les changements climatiques?

Umwelt, Energie & Verkehr

Alors que les émissions de CO2 dues à l’activité humaine sont au niveau le plus élevé de l’Histoire, du 30 novembre au 11 décembre 2015 aura lieu à Paris la 21ème Conférence des Parties (COP 21) de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Le premier accord universel en matière de changement climatique devrait y être adopté. Quels en sont les enjeux?

 

En 2010, les Etats partis à la CCNUCC se sont mis d’accord pour limiter l’augmentation de la température globale à 2 degrés, seuil au-dessus duquel les conséquences du changement climatique seront particulièrement dévastatrices. Pour y parvenir, les émissions cumulatives totales de CO2devront être limitées à 790 milliards de tonnes. L’humanité en a déjà émis 545, il reste donc 245 milliards de tonnes à se partager. Au rythme actuel, le budget sera épuisé dans les 25 prochaines années. A Paris, en décembre prochain, les gouvernements tenteront de se mettre d’accord sur un accord universel qui entrerait en vigueur en 2020 et permettrait à l’humanité de respecter l’objectif des 2 degrés et de mettre en place une transition vers des sociétés résilientes et entièrement neutres en carbone. Après l’échec de Copenhague en 2009 et au vu de l’augmentation inquiétante des émissions de CO2, l’enjeu est de taille.

L’accord de Paris s’inscrira cependant dans une toute autre dynamique que le protocole de Kyoto. Il a pour objectif d’être universel, incluant ainsi tous les pays et non pas uniquement les pays développés. Il est basé sur le principe de contributions prévues déterminées au niveau national (INDC). C’est-à-dire que d’ici au 1er octobre 2015, les nations devront communiquer le niveau de réduction d’émissions qu’ils prévoient d’atteindre. 47 pays, dont la Suisse, ont déjà annoncé leur contribution prévue. Cela représente 58% des émissions mondiales. Le secrétariat de la CCNUCC tentera de toutes les compiler avant décembre. En réalité, avant une uniformisation, qui aura probablement lieu durant la COP 21, une compilation des efforts restera difficile car tous les pays n’utilisent pas la même date de référence. En outre, certains incluent l’effet de stockage de CO2 par les forêts ou l’utilisation des marchés de compensation (achat de crédits carbone et projets de réduction à l’étranger) dans le calcul des émissions et d’autres pas. Ainsi, l’Union Européenne (UE) et la Suisse, par exemple, s’engagent à une réduction d’au moins 40%, respectivement de 50%, d’ici à 2030 par rapport au niveau de 1990 alors que les Etats-Unis, eux, ont annoncés leur réduction de 26 à 28% pour 2025 déjà mais par rapport à 2005. L’UE et les Etats-Unis, par contre, n’incluent pas le marché du carbone alors que la Suisse prévoit d’y recourir à hauteur de 20%, ne réduisant ses émissions nationales que de 30%. Malgré ces différences, l’avantage du système des INDC est qu’il laisse aux pays la marge de manœuvre nécessaire à leur participation. Le risque est en revanche que, cumulées, ces contributions ne suffisent pas à respecter l’objectif des 2 degrés. A part la réduction des émissions, l’accord de Paris devra comprendre un volet important sur l’adaptation des sociétés aux changements climatiques déjà réalisés et à ceux qui auront lieu malgré le respect de cet objectif.

Pour permettre une transformation à long terme, l’accord signé à Paris devra être durable mais il n’est pas encore clair s’il comportera une date butoir. Il devra en tout cas définir des cycles afin que les ambitions puissent être revues à la hausse. Il faudra également que les gouvernements conviennent d’un mécanisme transparent de suivi. Un système d’évaluation par les pairs est pour l’instant exclu par un grand nombre de nations et les négociateurs devront faire preuve de créativité pour trouver un mécanisme qui convienne à tous.

Par ailleurs, les modalités de la mobilisation, par les pays développés, de 100 milliards de dollars par an partir de 2020 devront être définies. Cet apport financier doit permettre d’assurer l’adaptation des pays en voie de développement et de favoriser leur développement durable. C’est surtout la condition sine qua non à un accord universel. En effet, les pays développés portent une responsabilité historique et les autres nations n’auront les capacités de s’engager et ne seront prêtes à le faire qu’à condition qu’une aide concrète leur soit fournie.

La COP 21 créera également un élan politique qui devra être exploité afin de mettre en route la transition vers des économies neutres en carbone. Les aides accordées aux énergies fossiles doivent impérativement être réduites et un signal fort doit être adressé dans ce sens à tous les investisseurs. L’introduction d’un prix unique du carbone, bien que promu par certains économistes, est pour l’instant politiquement impopulaire.

Bien que deux grandes séances de négociations aient déjà eu lieu cette année à Genève et à Bonn, le texte négocié comporte un très grand nombre de désaccords. La plus grande difficulté reste le principe de responsabilité commune, mais différenciée qui était la base de la structure du protocole de Kyoto. Un autre défi important sera la forme juridique de l’accord. Bien qu’étant la forme légale définie par la CCNUCC, le protocole doit être adopté par les parlements et il est très clair que le sénat américain, à majorité républicaine, n’acceptera pas cette décision. L’absence du second plus gros émetteur de CO2 mettrait l’efficacité de l’accord en péril et nous replacerait dans les années Kyoto. Il reste encore à voir si une autre forme juridique ou une combinaison de différentes formes serait envisageable.

Un certain nombre d’incertitudes planent encore mais les choses bougent rapidement. D’ici à décembre, il faut espérer que toutes les nations fassent un pas dans la bonne direction. La Suisse était le premier pays à soumettre sa contribution et elle semble être prête à reprendre sa place de nation médiatrice. Reste à voir si l’accord de Paris pourra devenir le premier instrument international de lutte contre le changement climatique réellement efficace. L’enjeu est de taille, mais le jeu en vaut la chandelle.