Von Fanny Charmey – La Suisse, en collaboration avec les Etats du groupe des Small-5 (Costa Rica, Jordanie, Liechtenstein, Singapour), a soumis auprès de l’Assemblée Générale de l’ONU un projet de résolution concernant la réforme du Conseil de Sécurité. Une version édulcorée de ses véritables motivations, mais tout en accord avec les principes du consensus onusien.
Les projets de réforme du Conseil de Sécurité enrichissent les débats autour des Nations Unies depuis une vingtaine d’années. On comprendra les motivations des Etats membres à vouloir changer une situation qui donne la part belle aux vainqueurs de la Deuxième guerre mondiale et à une poignée d’autres élus biennaux, et qui leur offre tout pouvoir sur les quelques 193 membres de l’Assemblée Générale. Le casse-tête institutionnel que pose une réforme du Conseil de Sécurité vient du fait que les membres sur lesquels repose la décision finale d’une possible réforme sont ceux possédant le très convoité veto, freinant ainsi toute acceptation de proposition. Si la résolution à laquelle la Suisse prend activement part n’est pas bouleversante, elle a l’avantage de mettre le pied dans l’embrasure de la porte de manière très diplomatique. La Suisse joue un joli coup, qu’il faut saluer, même si une certaine frustration se ressent face à la lenteur du processus incrémental.
Droit de veto démocratiquement restreint
Il sera en effet difficile au Conseil de Sécurité de justifier un refus de ces mesures, tant elles sont consensuelles et ne mettent pas en danger l’hégémonie des P-5, les cinq Etats au siège permanent et au droit de veto (China, Russie, France, Grande-Bretagne et Etats-Unis). Depuis la première version de son projet de résolution soumis en 2006, la Suisse souligne qu’elle ne cherche en aucun cas à porter atteinte à l’hégémonie des puissants, ni à leur soustraire leur responsabilité en faveur de l’Assemblée Générale. Mais soyons honnêtes, derrière toutes les expressions visant à améliorer qui le fonctionnement du Conseil, qui sa transparence ou sa représentativité, se cache inexorablement la question centrale du droit de veto. S’il est clair que la Suisse ne veut pas du veto onusien, elle trouve là une manière habile de s’approcher d’une restriction de ce droit en arguant que, selon les principes de la démocratie et de la transparence, son utilisation devrait être proscrite dans les cas de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Prouesse diplomatique
Si d’aucuns souriront d’une telle concession et verront là une courbette diplomatique devant un cul-de-sac institutionnel, ils oublient que la Suisse montre une constance honorable dans ses positions. Position qu’elle défend depuis les sommets de 2000-2005 traitant précisément de ce sujet. De plus, une analyse de l’évolution sémantique et formelle du projet à la résolution de la semaine dernière rend palpable le défi consensuel. Elle se conclut par une adroite mise en valeur de la question centrale du veto, un tour de force helvétique.
Manœuvre stratégique pour LE challenge du multilatéralisme
En conclusion, la résolution soumise à l’Assemblée Générale est le résultat d’un travail de longue haleine de la Suisse, d’une réflexion multilatérale intense et d’une coalition improbable mais néanmoins pertinente d’acteurs, soit, petits, mais jouissant d’un écho très favorable sur la scène internationale et dans les différents blocs onusiens. Si les mesures demeurent modestes à première vue, elles ont l’avantage d’être subtilement contraignantes pour changer sans déranger. Les Small-5 ont un avantage certain dans la course à la réforme.
Au delà des intérêts de l’Union Africaine ou des BRICS pour une réforme drastique du Conseil qui crispe les P5, la proposition des Small-5 s’inscrit dans une dynamique plus neutre et moins offensive. Elle leur offre en effet la possibilité d’enfin calmer l’opinion à propos du statu quo des organes onusiens en agissant commodément autant sur le contenu que sur la forme du Conseil de Sécurité. L’acceptation de cette résolution, d’une part par l’Assemblée Générale puis, peut-être, par le Conseil de Sécurité, sera davantage le résultat d’une estimation stratégique des membres du Conseil quant aux autres projets de réforme que d’une véritable volonté révolutionnaire. Si cette réalité paraît bien éloignée des idéaux démocratiques sous-jacent à la résolution, c’est en jouant le jeu des P-5 que les Small-5 peuvent se targuer d’amorcer l’un des plus importants défis de la politique internationale de ce début de siècle.
Fanny Charmey, lic. phil., responsable du groupe de travail «Organisations Internationales» de foraus.
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