Alors que la levée des sanctions sur le nucléaire iranien avait fait souffler un vent d’espoir sur le développement des relations économiques entre la Suisse et l’Iran, les investissements peinent à décoller en raison de la peur de l’instabilité et de la menace de sanctions. Cependant, d’autres intérêts bénéficiant aux deux parties peuvent être mis en avant pour établir un rapport de confiance et développer une coopération solide.
La diabolisation de l’Iran par Donald Trump lors de sa récente visite chez ses alliés au Moyen Orient jette une ombre sur l’hypothèse selon laquelle les investissements suisses en Iran allaient rapidement augmenter. Pourtant, la Suisse et l’Iran entretiennent des relations cordiales et ‘profondément enracinées’, selon les termes du Guide suprême Ali Khamenei.
Pour l’Iran, la Suisse représente un canal de normalisation : le soutien apporté à sa candidature à l’OMC montre que l’Iran peut se servir de la Suisse comme levier pour sortir de son isolement international. Pour la Suisse, l’Iran est un partenaire important de sa politique humanitaire et de promotion de la paix au Moyen Orient. On citera l’exemple de la conférence tripartite entre la Suisse, l’Iran et la Syrie afin de faciliter l’acheminement d’aide humanitaire dans les zones de conflits. Une coopération accrue et stable sert donc les intérêts des deux pays.
Pourtant, la levée des sanctions ne suffit pas à délier les mains de la Suisse et lui offrir carte blanche pour une coopération plus zélée avec l’Iran. Si les précédents historiques prouvent que la Suisse ne peut pas faire cavalier seul au niveau diplomatique, elle devrait adopter des stratégies ascendantes (bottom-up) et miser sur différents axes de la société civile afin de renforcer sa coopération avec l’Iran, sans nuire à ses mandats de bons offices.
Premièrement, en favorisant les échanges universitaires au-delà des écoles scientifiques. L’accord signé entre l’EPFL et la Sharif University of Technology et la Tehran University of Medical Sciences sous les applaudissements des élèves de l’Université de Téhéran montre que les deux parties sont ouvertes à cette coopération, d’autant plus que nombreux sont les étudiants iraniens qui chaque année sont reçus à l’EPFL. Une entente élargie au domaine des sciences sociales et politiques pour les étudiants iraniens et suisses est à promouvoir.
Deuxièmement, la ville de Qom regorge de centres d’études dont certains, telle l’Université Mofid, allient séminaires religieux chiites (Hawza) et recherches en sciences sociales. On y trouve aussi une bibliothèque sur les féminismes religieux. Ce sont des institutions non-étatiques financées par des réseaux privés qui coopèrent au niveau national et international. Ainsi, plusieurs organisations internationales, telles que le CICR, y articulent des projets de fusion du droit international humanitaire et de l’Islam. La Suisse, en tant que promotrice de la paix, peut créer des synergies avec Qom en se concentrant sur la coopération religieuse pour articuler des politiques de compréhension mutuelle et poursuivre son agenda de promotion des droits de l’homme. L’Organisation des nations et des peuples non représentés (UNPO) a d’ailleurs tenu une conférence au parlement suisse le 8 mars 2017 sur la défense des droits des minorités en Iran.
Finalement, les questions environnementales peuvent représenter un domaine de coopération fructueux entre les deux pays. La sécheresse, les pics de pollution, et les tempêtes de poussières qui frappent régulièrement l’ouest de l’Iran nuisent à la sécurité humaine des citoyens iraniens et sont sources de conflits. Alors que l’EPFL Middle East, basée aux Emirats Arabes Unis, travaille sur le développement durable, on pourrait imaginer une collaboration scientifique et technique sur ces problèmes entre la Suisse et l’Iran.
La coopération irano-suisse doit être menée avec justesse et imagination en privilégiant les domaines accessibles qui bénéficient à l’agenda politique des deux parties.