Le commerce des armes et le double jeu de la Suisse

Frieden & Sicherheit

Le 2 avril 2013, l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (ONU) adoptait le Traité sur le commerce des armes (TCA). En 2015, ce dernier est entré en vigueur pour la Suisse. Il n’a pas fallu longtemps pour que son application par la Suisse fasse l’objet de critiques.

Le TCA interdit le transfert d’armes vers des pays où le risque que celles-ci soient utilisées pour perpétrer des violations des droits humains et/ou du droit international humanitaire est élevé. Ainsi, ce traité instaure une plus grande transparence dans les transferts d’armements, responsabilise les États exportateurs d’armes et contribue à la paix et à la sécurité. Sa réussite dépend uniquement de l’application stricte et efficace de ces normes, dans laquelle la Suisse joue un rôle essentiel.

La Suisse était engagée dans de difficiles négociations, grâce auxquelles elle avait pu influencer le texte du TCA de manière positive. Le DFAE assurait également que la Suisse allait continuer à assumer un rôle actif dans le cadre de la mise en œuvre du traité. Le récent établissement du secrétariat du TCA à la Cité de Calvin souligne et renforce « le rôle de la Suisse et de la Genève internationale dans la mise en œuvre et le respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme. » Toutefois, il semblerait que la Suisse joue hypocritement un double jeu.

Plusieurs acteurs, mais surtout des organisations non-gouvernementales, ont manifesté leur surprise et leur mécontentement vis-à-vis de la tournure qu’a pris l’évolution de l’engagement de la Suisse dans le cadre du Traité sur le commerce des armes (TCA). En effet, au lieu de renforcer sa politique nationale de contrôle des exportations d’armes, la Suisse l’a assouplie à deux fois, en mars 2014 et en avril 2016.

En 2014, le contrôle des exportations de matériel de guerre a été réduit par le Parlement. Cette réduction a eu pour résultat la levée de l’interdiction de l’exportation d’armes « si le risque est faible que le matériel de guerre à exporter soit utilisé pour commettre des violations graves des droits de l’homme. » En 2016, le Conseil fédéral a réinterprété l’ordonnance sur le matériel de guerre. Ces deux assouplissements ont permis d’une part à l’industrie suisse d’armement d’accroître ses bénéfices. D’autre part, le SECO étant l’autorité compétente chargée d’approuver ou de refuser les exportations dans le cadre du TCA, ces assouplissements démontrent l’intérêt des exportations d’armements pour l’économie suisse. Selon le SECO, le commerce d’armes représentait 411,9 millions de francs en 2016, situant ainsi la Suisse au 14ème rang des pays exportateurs d’armes.

L’installation à Genève du secrétariat du Traité sur le commerce des armes (TCA) ne pousse donc pas la Suisse à davantage de transparence. Loin de se profiler comme un bon élève dans la mise en œuvre et le respect du traité et de ses objectifs, la Suisse sacrifierait la protection des droits humains et le respect du droit international, pourtant si cher à son cœur, en faveur de ses intérêts économiques. Il est vrai que l’autonomie en matière d’armements est de plus en plus difficile à maintenir dans un monde globalisé où l’interdépendance internationale revête une importance considérable. Dès lors, le contrôle des armes et le désarmement ne seraient-ils donc pas une grande hypocrisie ?

Après un premier master en langues, cultures et civilisations arabes et musulmanes et un stage accompli au Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la Sécurité (GRIP) à Bruxelles, Ataa Dabour entreprend actuellement un master en sécurité globale et résolution des conflits au Global Studies Institute de l’Université de Genève.