Le projet Rubik ou l’art des fétiches

Finanzplatz

De Julien Briguet Echec craint, annoncé puis attendu avec résignation, l’accord d’imposition libératoire avec l’Allemagne semble définitivement condamné. Quelles conséquences pour le modèle Rubik? Quelles alternatives à disposition?

L’échec de l’accord avec l’Allemagne symbolise l’échec du projet Rubik comme alternative à l’échange automatique d’informations. Premièrement, l’Allemagne est le pays constituant le plus important segment de clients pour le secteur offshore de la place financière suisse. De plus, les clients allemands sont, relativement, les clients possédant le plus d’avoirs non déclarés. Les tentatives de signer des accords avec la Suède ou la Grèce, dont la clientèle reste marginale en Suisse, est au mieux anodin, au pire un déni. Deuxièmement, l’échec allemand rend plus difficile l’extension de ce modèle à la France et dans une moindre mesure à l’Italie, confrontés à des contraintes internes beaucoup plus importantes.

Impact de cet échec

Cet échec allemand ne doit, toutefois, pas être surestimé. Le projet Rubik était au mieux un épiphénomène et tout au plus une manœuvre tactique destiné à gagner du temps. Les coûts de mise en œuvre de l’accord, la difficulté de mettre en place un système d’imposition à la source sur le long terme et l’impact négatif de cet accord sur les clients possédant des avoirs déclarés en auraient eu raison à plus ou moins long terme.

L’art des fétiches

A peine le fétiche du secret bancaire tombé, voilà que le refus de l’échange automatique d’informations se change en nouveau totem redouté. L’échec de l’accord d’échange libératoire réduit la marge de manœuvre du gouvernement à trois options.

Le statu quo, fondé sur le blocage de l’accord européen d’imposition de l’épargne, peut se prolonger quelques années. Cette passivité ne fera qu’accroître la pression sur la Suisse et ne forcera pas le secteur bancaire à s’adapter au nouveau rapport de forces. L’échange automatique d’informations est inévitable et sera imposé brutalement.

La stratégie de l’argent propre a pour but de garantir que les banques suisses ne gèrent que de l’argent déclaré. Les garanties offertes par cette stratégie sont largement insuffisantes pour constituer une quelconque alternative à l’échange d’informations. Là encore, l’échange automatique sera inévitable.

L’introduction de l’échange automatique d’informations serait un choc immédiat. Néanmoins, la question n’est plus de savoir si ce système sera mis en œuvre mais quand et comment. Erigé en nouveau fétiche, on peine à voir que la Suisse possède une marge de manœuvre, certes étroite, quant à sa mise en vigueur.

Pourquoi ne pas imaginer une étape transitoire, un Rubik allégé reprenant ses avantages et délaissant ses inconvénients? La Suisse devrait alors développer une stratégie en deux étapes. Dans une première étape provisoire, il s’agirait de mettre en place un système d’accords bilatéraux réglant le passé sur le modèle Rubik en prenant en compte le délai avant la mise en œuvre de l’échange automatique. Il serait accompagné d’un mémorandum d’entente contraignant contenant deux types d’obligations: 1) mise en œuvre dans les 10 ans de l’échange automatique d’informations pour la Suisse pour autant que les lacunes de l’accord sur la fiscalité de l’épargne soient comblées 2) accès au marché européen pour les services financiers opérant depuis la Suisse. La seconde étape serait l’introduction de ces négociations au niveau européen. Ce mémorandum d’entente serait un signal exerçant une pression indirecte sur le secteur bancaire en forçant l’adaptation de son modèle d’affaire. Il briserait le tabou de l’échange automatique en ouvrant un débat sur sa réalisation technique, offrant une marge de manœuvre à la Suisse. Il offrirait un nouveau cadre au débat avec l’UE tout en maintenant intacte la position de la Suisse.

Julien Briguet est membre du comité du foraus. Il vit à Londres et étudie à la London School of Economics and Political Science (LSE).

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